lundi 10 décembre 2012

La rivière à l'envers, Jean-Claude Mourlevat


"Est-ce qu'on peut vraiment souhaiter ne jamais mourir? ...
N'est-ce pas justement parce que la vie s'achève un jour qu'elle nous est si précieuse? ...
Est-ce que l'idée de vivre éternellement n'est pas plus effrayante encore que celle de mourir? ... "



     Beau questionnement pour un roman d'aventure ! La question de l'immortalité est le fil rouge du roman puisque c'est dans cette quête que Tomek et Hannah entament un long périple.
     En tous cas, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde pendant la lecture de ce roman. Il nous décrit des paysages magnifiques, dotés ça et là de merveilleux. Au début pourtant, j'étais sceptique  quant à l'âge des héros, parce que partir au bout du monde à 13 ans est tout sauf réaliste, et cela me dérangeait. Bien entendu, le réalisme n'est pas ici le but, et j'ai fini par arrêter de râler et faire abstraction de l'âge - qui n'est certainement pas choisi au hasard, en plus - .
     Par rapport à un passage, à une citation ? Je pense particulièrement au chapitre X qui nous raconte comment Pépigom crée des parfums rappelant, par exemple, Départ d'un voyage à l'aubeNaissance d'un veau sur la pailleLecture d'une lettre écrite par une personne aimée, etc. Ce passage m'a permis de faire des liens évidents avec le film "Le Parfum" - la honte, je n'ai toujours pas lu le livre, il m'attend encore planqué dans une armoire -, même si je ne suis pas autant emballée par ce film que par le livre de Mourlevat ! (Grenouille me fait peur, 'faut pas demander comment il est dans le livre, je n'en dormirais plus !) Au-delà du lien avec "Le Parfum", cette idée m'a beaucoup intriguée parce qu'il m'arrive souvent de me perdre dans mes pensées par rapport à tel ou tel moment vécu, si infime soit-il, et de rechercher des situations où je pourrais éventuellement ressentir les mêmes sensations, par exemple l'odeur d'un cheval ou celle de la pluie quand on a subi quelques jours de canicule, etc.
     Comme je le disais plus haut, la question de l'immortalité est abordée dans ce roman. L'immortalité est un thème qui m'a toujours intriguée : je suis assez angoissée à l'idée de mourir, ou de voir disparaître mes proches. J'ai toujours vu la mort comme quelque chose de terriblement grave et contre laquelle on ne peut rien, et pourtant j'avais toujours cet espoir de peut-être y échapper, ne fut-ce que par l'idée d'une vie après la mort ou autre subterfuge. Lire ce livre m'a donné un petit coup de pouce, surtout lorsque j'ai lu ce passage : "Est-ce qu'on peut vraiment souhaiter ne jamais mourir?... N'est-ce pas justement parce que la vie s'achève un jour qu'elle nous est si précieuse?... Est-ce que l'idée de vivre éternellement n'est pas plus effrayante encore que celle de mourir?...". En effet, cela m'a vraiment permis de réfléchir autrement, et de réaliser qu'en fait, arrivé à un certain âge, on peut tout à fait être serein face à cette idée. Je ne pense pas me tromper en disant que je ne suis certainement pas la seule à avoir des angoisses à l'égard de la mort, et que de nombreux adolescents se posent les mêmes questions que je me suis déjà posée. "Rien que pour ça", ce livre est à conseiller à de nombreux ados !


     Autre petit clin d'œil qui m'a fait sourire : au chapitre VII, le petit Yann et ses frères (cfr L'enfant Océan) apparaissent dans une hallucination de Tomek !

La Ballade de Cornebique, Jean-Claude Mourlevat



Cette histoire commence au pays des Boucs. Un pays de bonne humeur et de rigolade. Oh les Boucs ne sont pas des gens compliqués ! Ce qu'ils aiment, c'est faire la java. Pendant la semaine on bosse dur, mais le samedi soir dans les villages, attention, tout le monde se retrouve dans une grange qui sert de salle des fêtes et ça danse, et ça saute jusqu'à point d'heure, des vrais dératés. 



     Autant dire qu'on ne croise pas tous les jours cette espèce et pourtant, dès qu'on entame le roman, il est très facile de se glisser dans le monde de Cornebique et de le suivre dans son incroyable aventure. 
     Cornebique est un jeune bouc qui décide de quitter son pays suite à une déception amoureuse. Il emporte avec lui son banjo pour unique bagage. En chemin, il rencontre tout d'abord une vieille cigogne, chargée d'apporter un petit loir loin du danger représenté par les Fouines qui en raffolent. C'est ainsi que le petit Pié sera le compagnon dormeur de Cornebique, qui continue toujours droit devant lui, s'éloignant encore de son pays d'origine. Course, tournoi d'injures et fuites seront tant d'aventures traversées par nos deux petits héros, qui rencontrent bientôt un troisième individu possédant lui aussi ses particularités, puisqu'il s'agit d'un coq médecin atteint d'amnésie.
     Ensemble, ils luttent contre les Griffues, ces méchantes Fouines qui ne s'avouent pas facilement vaincues. Le combat ne se fait pas sans peur ni sans audace, mais c'est ensemble qu'ils vainquent la malveillance. 
     J'ai beaucoup apprécié ce roman, pour plusieurs raisons. Une des premières, qui m'est apparue dès les premières lignes est le vocabulaire employé : lire certaines expressions, certains mots, m'ont fait penser à l'univers campagnard que j'ai côtoyé quelques temps, et de manière plus générale, au village dans lequel je vis, aux discussions entendues etc. De plus, certains extraits font rire aussi bien les petits que les grands, pour des interprétations parfois quelque peu différentes évidemment, mais voyons plutôt : 
"Celle-ci, il la chante en fin de soirée, quand les danseurs sont épuisés à force d'avoir bondi comme des haricots sauteurs du Mexique, et quand la bière a rendu les cervelles brumeuses." 
En effet, je pense que ce qui aurait tendance à faire rire les enfants ici est la première "expression" en gras. Les plus âgés, quant à eux, auront un petit sourire en coin parce que la bière rendant les cervelles brumeuses fait - parfois trop - appel au vécu ;-) 
     Autre raison qui me fait apprécier ce livre concerne les trois personnages, fort attachants. Je m'attarde bien sûr sur Cornebique qui est très attentionné vis-à-vis de Pié, mais aussi sur Lem, ce pauvre coq amnésique et plein d'audace, n'hésitant jamais à inventer son personnage pour mieux passer entre les griffes des Fouines. Ce personnage est d'ailleurs un personnage théâtral à lui seul ! En faisant quelques fouilles, on reconnaît les traits d'un médecin tourné en ridicule, tout comme le faisait déjà la commedia dell'arte avec il dottore, dont Molière s'est inspiré à son tour pour aboutir au malade imaginaire... 



     Dans ce roman, le thème du voyage est à l'honneur, voyage qui ressemble à certains moments à de l'errance, mais toujours positive puisqu'elle est riche en nouvelles rencontres. Cette histoire est très joyeuse, mais je pense qu'elle peut tout aussi bien revêtir des formes bien moins agréables, comme par exemple le désir de "tout plaquer" après une déception. Dans ce cas-ci d'ailleurs, Cornebique décide de tout quitter à cause d'une déception amoureuse, ce qui n'est donc pas un début très heureux !
     Dernier aspect plaisant du roman : il fait rire, vraiment rire ! Comme je l'ai dit plus haut, les petits comme les grands pourront se régaler en lisant cette histoire. Ce côté amusant me pousse d'ailleurs, lorsque je prends ma casquette de future enseignante, à conseiller ce texte aux élèves en tant que lecture plaisir, lecture de vacances. Je pense que c'est un bon moyen de montrer qu'il n'y a pas que la télé avec l'âge de glace qui soit capable de distraire autant et qu'on trouve parfois tout aussi bien dans d'autres domaines ! 

Petits coups de coeur personnels :
- employer l'image du bouc, qui est un animal faisant habituellement référence au mal, pour illustrer une personne si généreuse, si aimable
- le vocabulaire, les expressions qui renvoient directement aux sources pour ma part
- le thème du voyage qui est à la fois fantastique et grave : je me reconnais assez dans les deux aspects de celui-ci
- les Fouines : j'use et abuse de ce nom pour désigner des personnes un peu fourbes, et donc voir ici ce mot employé avec une majuscule m'a fait sourire à de nombreuses reprises. De plus, je ne sais pas pourquoi mais je m'attendris assez fort et assez bêtement lorsque je suis face à toutes sortes petits bêtes ridicules et appartenant à la famille des rongeurs (n'ayez pas peur pour autant...)

Petit PS : J'ai vu qu'il était possible d'acheter La Ballade de Cornebique en livre audio, où l'histoire nous est racontée par Jean-Claude Mourlevat lui-même. J'ai donc écouté un extrait et ai découvert quelques airs de banjo au cours de l'histoire ! 


samedi 8 décembre 2012

L'enfant Océan, Jean-Claude Mourlevat

Résumé apéritif :
Une nuit, Yann réveille ses six frères aînés, tous jumeaux. Il faut fuir: leur père a menacé de les tuer. Irrésistiblement attirés par l'Océan, les sept enfants marchent vers l'Ouest.
De l'assistante sociale au routier qui les prend en stop, du gendarme alerté de leur disparition à la boulangère qui leur offre du pain, chacun nous raconte à sa façon un peu de leur incroyable équipée.
Voici l'histoire de Yann, 10 ans mais de la taille d'un enfant de 2 ans, et de ses six frères. 
Ce petit groupe va attiser la curiosité de chacun, et nous démontrer une foule de points de vue différents traitant toutefois d'un même moment, à un même lieu...

     Tout d'abord, je tiens à préciser que ce livre m'a permis d'établir des liens, de faire des comparaisons avec d'autres objets culturels. Je pense notamment au film Rosetta des frères Dardenne (Palme d'Or au Festival de Cannes en 1999) : ce film est l'histoire de Rosetta, une jeune femme qui angoisse à l'idée de "tomber dans le trou", c'est-à-dire ne pas s'en sortir. J'ai vu ce film quand j'étais encore jeune (je suppose aux alentours de mes 10 ans), mais je me souviens qu'il m'avait touchée, en montrant cette fille au désir si fort d'évasion, comme le petit Yann qui rêve de l'Océan, sans limites. Autre lien établi, celui avec la chanson Espanola de Jali, et de manière générale, toute chanson traitant d'évasion. Troisième lien et non des moindres, celui avec le conte de Perrault, Le Petit Poucet :
Le livre est composé en deux parties, et chaque partie commence par un extrait du Petit Poucet : "Le plus jeune était fort délicat et ne disait mot"; "Hélas mes pauvres enfants, où êtes-vous venus? Savez-vous bien que c'est ici la maison d'un Ogre qui mange les petits enfants?". En plus de cela, nous retrouvons dans le texte de nombreuses similitudes avec le Petit Poucet, mais actualisées, reformulées pour notre époque (pauvreté, notion d'utilité des enfants, avorton ...).

     D'un point de vue pédagogique, je pense que ce livre peut tout à fait être utilisé pour le cours de français. En effectuant quelques recherches dans le programme du cours de français, je remarque que de manière générale, il s'insère dans la tâche problème :
- "Ecrire une description ou un portrait en vue d'informer des adolescents de son âge". En effet, les élèves peuvent choisir un personnage et le décrire aux autres en fonction de ce qu'il a lu tout au long du récit. Par exemple : Yann est un garçon de dix ans qui a la particularité de ne mesurer que 80 centimètres. Il est intelligent et aime l'école, mais ne parle pas et pourtant, c'est lui qui mènera la danse. Et ainsi de suite.
- "Commencer un récit de fiction par une description (un personnage, un cadre, ...) qui donne envie de connaître la suite". Ici, il s'agira également d'aborder la description, mais aussi le genre littéraire du texte et les caractéristiques narratologiques qui permettront d'aborder la polyphonie, omniprésente dans ce texte.
- "Créer la couverture d'un récit de fiction pour susciter l'envie de lire" ou pour le programme de l'enseignement technique de qualification "Rédiger la première et quatrième de couverture". Il s'agit donc de susciter le côté créatif des élèves en tenant compte des éléments du récit, d'aborder le résumé apéritif, le schéma narratif, etc.
     Les citations et passages qui m'ont inspirée : dans ce texte, il ne s'agit pas vraiment de citations, mais bien de passages qui me font découvrir un éventail de personnalités. Certaines me marqueront de par leur ressemblance avec des personnes que je connais, ou ai connues dans le passé. Pour celles que je n'ai pas connues, elles me laissent une trace, un échantillon de caractères qui en dit long sur les humeurs des Hommes. Exemple que j'affectionne et grosse pensée envers ma grande-tante Lisette (elle a déjà le prénom qui dit tout !) :
Agathe Merle, 74 ans : Des écureuils, d'après Maurice ! Des écureuils ! Le pauvre, il s'arrange pas avec l'âge. Est-ce qu'on a déjà vu des écureuils ouvrir un pot de confiture? Les boîtes de gâteaux secs je veux bien, ils auraient grignoté l'emballage, mais mon pot de rhubarbe, franchement ? J'irais bien demander aux voisins s'il y a rien eu chez lui mais j'ose pas déranger. C'est un écrivain. Je le sais par François, l'arrière-petit-neveu de la pauvre Germaine. Il est là pour deux ou trois semaines, cet homme. Il a besoin de calme pour travailler, il faut pas le déranger. Alors je dérange pas. Et pourtant, j'en aurais à lui raconter. C'est pas les histoires qui manquent, ici. Mon idée à moi pour la confiture, je la dis à personne parce qu'on me rirait au nez, mais n'empêche que je la soutiens mordicus : qu'est-ce qui est assez petit pour passer par la chatière, et qui a des doigts pour dévisser le pot de rhubarbe? Tournez et retournez la question comme vous voudrez, mais si vous avez pour deux sous de jugeote, vous arriverez à la même réponse que moi : c'est un singe. Un singe, je vous dis. Qui se sera échappé d'un cirque. Et voilà. En attendant, je vais dire à Maurice de clouer la chatière. La Minette fera ses besoins dans la litière et puis c'est tout.
     De manière générale, je suis donc en faveur de la lecture de ce roman, tant pour son exploitation pédagogique que pour une lecture plaisir. Même si l'histoire en elle-même ne m'a pas tenue en haleine, ce sont vraiment les clins d'oeil au Petit Poucet et l'éventail des personnalités qui m'ont vraiment plu, m'ont replongée dans les évènements heureux du passé.
     Ce livre fait partie de ceux que j'ai lus l'année passée, je ne peux donc pas mentionner d'hypothèses de lecture.


Avant d’entamer ce carnet de lecture...



Pour des raisons pratiques, je n'ai pas changé d'adresse parce que je trouvais celle-ci aisée à retenir, à atteindre via Internet. Or, avoir conservé cette adresse induit plusieurs choses : 

     Premièrement, conserver cette adresse signifie que ce blog a eu une vie antérieure. En effet, vu que je recommence mon année d'études, j'aborde certains livres pour la deuxième fois (je pense aux trois Mourlevat, à Jennifer Jones, etc.). D'autres livres, quant à eux, se sont invités au profit d'anciens à la liste des lectures obligatoires en littérture de jeunesse et seront donc traités avec moins de connaissances de ma part. 

     Deuxièmement, les consignes de rédaction ont changé, ce qui signifie que mes posts seront sans doute plus précis que ceux de l'année précédente. Toutefois, pour les livres que j'avais déjà lus, il me paraît difficile de répondre à un critère d'évaluation qui concerne les hypothèses de lecture. En effet, à part jouer l'innocente et dire "Tiens, j'ai l'impression que Alice Tully a un lien avec JJ...", je ne vois pas comment jouer le jeu !

En espérant que ces quelques précisions vous seront aussi utiles qu'à moi !