vendredi 3 mai 2013

Des fleurs pour Algernon, Daniel KEYES

Cela fait déjà trois mois que j'ai lu Des fleurs pour Algernon et j'en garde un très bon souvenir ! 

Petite parenthèse au sujet du genre : la science-fiction commencerait-elle à me plaire ?!

Pour entamer ce post, un aperçu des premières de couvertures existantes...


  

  


     Un choix vaste donc, mais une couverture en particulier attire mon attention : la quatrième. Je ne sais pas si elle m'attire parce que la mise en scène diffère un peu des autres couvertures - qui représentent essentiellement la souris Algernon -, mais je la trouve plus intéressante. 
     Sur cette couverture, on voit la coupe d'une tête et de son cerveau. Au niveau de l'oreille gauche se trouvent des engrenages. Ces engrenages me font directement penser au fonctionnement du cerveau, zone expérimentée sur Charlie et Algernon par les scientifiques. Le cerveau, cette "machine" dont le fonctionnement doit être parfaitement régulé, le dysfonctionnement d'un de ses engrenages peut avoir des conséquences désastreuses...
     Au centre de cette tête se trouve un petit garçon, le Charlie simple d'esprit qui le guette. Selon moi, il représente la menace que le Charlie intelligent ressent lorsque ses facultés intellectuelles commencent à défaillir. 
Réflexion personnelle : L'Autre est présent jusque dans les systèmes les plus complexes de notre corps...
     En dessous de cette illustration figure le titre du roman. Personnellement, j'apprécie les deux types de police : la première partie "Des fleurs pour" est une police assez enfantine et poétique, la seconde "Algernon" est connotée de manière plus scientifique et me fait penser au genre de la science-fiction. On retrouve la souris Algernon dans la seconde partie du titre, au niveau du L. Ici, je ne sais pas si j'en extrapole le sens, mais la position de l'animal me semble étudiée de manière à faire référence à une souris d'ordinateur, ce qui constitue une fois de plus un rappel à la science et à l'expérimentation.

Après l'étude du paratexte, passons au texte !


     Charlie Gordon, un débile mental de 33 ans devient le cobaye d'une expérience scientifique visant à lui donner une intelligence supérieure. Cette expérience est également testée sur une souris de laboratoire appelée Algernon.
     Avant de subir l'opération, Charlie est invité à rédiger des "conte-randu" pour faire part de ses émotions et de son ressenti. Algernon quant à elle a déjà subi l'intervention, qui semble avoir été menée à bien.
     Au tour de Charlie donc, de subir l'opération qui fera augmenter petit à petit son intelligence. L'intervention a fonctionné : Charlie devient un génie, jusqu'à dépasser l'intelligence des scientifiques et découvrir avant eux la faille de cette expérience, dont il est pourtant le sujet... Toutefois, si l'intelligence de Charlie ne cesse de croître, il n'en est pas de même pour sa maturité émotionnelle, qui n'a pas le temps d'évoluer aussi vite. Il se retrouve confronté à des problèmes jamais envisagés auparavant... Charlie arrive en solitaire à l'apogée de son intelligence, ses proches se retrouvant dépassés par une intelligence qu'ils ne peuvent comprendre.
     Arrive déjà le triste moment de la baisse de ses facultés. Tout en suivant le cas d'Algernon - qui voit également son intelligence baisser au même rythme qu'elle a progressé - Charlie se sent menacé par son autre lui qui refait surface... 

     Voilà une très belle histoire qui me laisse néanmoins un petit goût amer concernant la mère de Charlie, que j'aurais voulu gifler à plusieurs reprises. La personnalité de cette femme permet toutefois une première réflexion sur l'intelligence, à savoir "qu'est-ce qu'une intelligence dite normale ?". Réflexion qui peut d'ailleurs s'étendre à une foule entière :-)
     Selon moi, ce roman est d'autant plus touchant, plus intéressant pour l'époque puisque  ce livre a été publié en 1960, époque où le handicap mental était bien moins étudié et compris qu'à l'heure actuelle !

     Ce livre m'a beaucoup émue notamment parce qu'il humanise le débile mental qu'est Charlie et pose de nombreuses questions sur la valeur de l'intelligence. Si les handicapés mentaux sont de mieux en mieux pris en charge par des institutions, je me demande s'ils sont pour autant considérés en tant que personnes. Cette réflexion a fait beaucoup de chemin chez moi. En effet, j'ai moi-même tendance à amoindrir la personnalité d'un handicapé et être en leur présence me gêne malgré moi. Je ne pense pas qu'il s'agisse de discrimination de ma part, mais plutôt d'une forme de peur et de "dégoût" qui m'empêche souvent d'aller au-delà. En espérant que la rencontre avec Charlie puisse s'appliquer à la réalité !
     Si la spécificité de l'écriture m'a posé problème en commençant ce livre, elle n'en reste pas moins un très bon choix de la part de l'auteur ! Les toutes premières lignes de ce roman nous laissent deviner, avant de dévoiler clairement l'information, que l'on a affaire à un débile mental, et je trouve ça très intelligent ! Cette écriture s'améliore au fil du temps et atteste de l'évolution intellectuelle du personnage. L'adéquation fond-forme est très forte...

     Quelques livres après avoir lu le Charlie intelligent menacé par le débile qui refait surface, j'ai eu sous les yeux Chagrin d'école de Daniel Pennac. Même si je suis beaucoup moins enthousiaste à l'idée de ce livre, je n'ai pu m'empêcher de voir un point commun chez Charlie et Pennac : la menace omniprésente de leur alter-ego. Pour Charlie, nous connaissons sa fin ...mais pour Pennac, lequel des deux parviendra à avoir le dessus ?!
     Autre livre avec lequel Des fleurs pour Algernon peut être mis en commun : il s'agit de Comment je suis devenu stupide de Martin Page. En fait, cette mise en commun relève plutôt d'une opposition : alors que Charlie pense que devenir intelligent l'aidera à se faire aimer, Antoine quant à lui tente de devenir stupide, parce qu'il se sent handicapé par son intelligence ! Tous deux rebrousseront chemin, déçus de ce qui se trouve "de l'autre côté"... Personnellement, je trouve fort intéressant de la part de ces deux auteurs de pointer les vices de l'intelligence et ses différentes formes...
"L'intelligence est la faculté à l'aide de laquelle nous comprenons finalement que tout est incompréhensible" M. Maeterlinck

     D'un point de vue pédagogique, ce roman nous apprend que l'intelligence seule ne signifie pas grand chose. Il nous rappelle aussi que l'intelligence et l'instruction qui ne sont pas tempérées par une chaleur humaine ne valent pas cher. La présence d'un instituteur et d'un prof reste essentielle pour l'apprentissage. Voilà qui met un peu de baume au cœur, à l'heure  où l'apprentissage se trouve partout et nulle part à la fois, à l'heure de Wikipédia par exemple, qui laisse croire aux élèves qu'ils peuvent intégrer seuls des savoirs...
     Plus concrètement, ce roman peut bien sûr être étudié en troisième secondaire pour l'étude du genre de la science-fiction. Personnellement, je préfère l'analyse d'extraits plutôt que la lecture complète du récit, car celui-ci peut selon moi se révéler encore assez compliqué dans certaines classes.
     Ce texte s'accorde aussi très bien avec le cours de morale. Voici quelques passages que j'ai relevés lors de la lecture et qui pourraient débuter une phase libérative, formative ou constructive...
"Je respecte la manière dont il s'y consacre - et peut-être plus encore parce qu'il n'est qu'un homme ordinaire qui essaie de faire une oeuvre de grand homme alors que tous les grands hommes sont tous occupés à faire des bombes."

"Néanmoins, il reste effrayant que notre destin soit entre les mains d'hommes qui ne sont pas les géants que je croyais naguère, mais simplement des hommes qui ne connaissent pas la solution de tous les problèmes"

"Un QI ne pèse pas du tout l'intelligence. Il dit qu'un QI indique jusqu'où peut aller votre intelligence comme les chiffres sur un verre à mesurer. Encore faut-il remplir le verre avec quelque chose."


Des fleurs pour Algernon a été adapté en téléfilm en 2006. Voici la bande annonce de son adaptation au théâtre parisien du Petit Saint-Martin. 
PS: Je suis loin d'être une spécialiste en matière de théâtre, mais de ce que je peux voir dans cette vidéo, l'interprétation de l'acteur me plaît !

1 commentaire:

  1. Ton analyse de la 4e couverture est tout à fait judicieuse et rondement menée.
    "Voilà une très belle histoire qui me laisse néanmoins un petit goût amer concernant la mère de Charlie, que j'aurais voulu gifler à plusieurs reprises. " Quel investissement émotionnel, j'en souris encore. Et si j'avais dû gifler tous les personnages de roman que je trouve exécrables... j'aurai la main en sang. J'apprécie ta spontanéité...
    Très bonne idée d'avoir mis la bande annonce du spectacle, d'autant plus qu'il a remporté un succès considérable à Paris ! Et de fait, l'acteur est très investi.

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